Comment les turbulences atmosphériques impactent les communications laser ?
Propager une information sécurisée à la vitesse de la lumière à très haut débit à partir d’une infrastructure mobile et minimaliste. C’est en bref ce que permettent les communications optiques en espace libre.
Dans de nombreux domaines, depuis les communications spatiales aux forces militaires, en passant par l’urgence humanitaire, cette technologie permet de déployer des réseaux télécoms très haut débits dans des secteurs jusqu’alors inaccessibles. Malheureusement, le développement à grande échelle de ces systèmes est limité par l’influence des perturbations atmosphériques. Les progrès des technologies lasers et de l’optique adaptative atténue en partie l’influence de l’atmosphère mais ne sont pas adaptés à tous les usages.
Quelles sont dès lors les nouvelles techniques qui pourraient fiabiliser et démocratiser les communications laser ?
Communications laser
L’avènement des lasers dans les années 1980 a permis un essor fulgurant des télécommunications optiques. Si les réseaux les plus répandus sont basés sur les technologies fibrées, le déploiement de câbles optiques n’est pas toujours pertinent voire même possible. Qu’il s’agisse de rétablir rapidement des communications en zones sinistrées, d’échanger des informations avec des véhicules ou de connecter plusieurs bâtiments dans des métropoles saturées, les communications optiques en espace libre s’imposent comme la solution la plus adaptée.
Appelée communément FSOC (pour Free Space Optical Communication – Communications optique en espace libre ou Communications Laser), cette méthode de communication utilise la propagation de lumière dans l’air ou le vide pour transporter une information. Comparativement aux technologies concurrentes, principalement les communications fibrées et radiofréquences avec lesquelles le FSOC est souvent complémentaire, cette approche possède de nombreux atouts (1).
D’abord, les technologies optiques, qu’elles soient fibrées ou non, disposent d’une capacité de débit inégalée. En espace libre, un lien de 10,45 km avec un débit de 13,16 Tb/s a ainsi été réalisé par les équipes du DLR (Centre Aérospatial Allemand). Si ces débits sont encore loin des 10,16 Pb/s obtenus sur fibre(2) ils sont près de 2200 fois supérieurs aux autres technologies sans fil comme les radiofréquences où les meilleurs liens longue distance permettent des débits au mieux de 6 Gb/s sur une distance de 40 km(3).
D’autre part, les faisceaux localisés spatialement et spectralement n’empiètent pas sur des bandes de fréquence déjà allouées. Ils n’engendrent donc pas de conflit de bande passante, d’interférence entre sources et ne nécessitent pas de licence comme c’est le cas pour les radiofréquences. Il est dès lors possible d’établir une connexion ultra rapide entre deux points simplement en installant un émetteur et un récepteur optique. Deux bâtiments peuvent, par exemple, être connectés de manière sécurisée et très haut débit (connexion LAN) même s’ils ne sont pas reliés par une fibre.
Les terminaux, illustrés par exemple, sont mobiles et déployables dans une grande variété de configurations sans nécessité d’infrastructures réseau(4). Ainsi, dans l’espace, Airbus cherche à développer des liens ultra-rapides entre des constellations de satellites et des stations au sol(5). Pour les forces armées, cette mobilité, alliée à la difficulté d’interception des faisceaux, invisibles et très localisés, permet d’établir, par exemple, des réseaux locaux sécurisés en tout endroit du globe ou des liens haut débits avec des satellites.
Les perturbations atmosphériques
La contrepartie de la grande flexibilité des FSO réside dans le canal de propagation. Comme indiqué dans l’ouvrage de référence d’Andrews and Phillips, les communications terrestres en espace libre sont sujettes à un facteur limitant important qu’est la perturbation atmosphérique(6). Au-delà de restrictions évidentes mais marginales comme la présence d’objets pouvant bloquer la propagation du faisceau, de nombreux facteurs peuvent atténuer l’intensité du signal.
C’est le cas notamment de la fumée en zone de guerre ou de sinistre, mais aussi plus communément du brouillard ou de la pluie. L’intensité lumineuse déterminant le rapport signal-sur-bruit (SNR), donc le débit, ces pertes sont fortement préjudiciables. C’est particulièrement le cas pour des applications longues distances où l’atténuation peut se révéler importante.
Surtout, l’atmosphère n’est pas un milieu parfaitement homogène. De légères différences de pression, de température ou de composition modifient localement l’indice de réfraction de l’air et dévient les différents trajets optiques du faisceau. Le front d’onde, c’est-à-dire la forme d’un faisceau optique, est modifié continuellement et de manière aléatoire durant sa propagation dans l’atmosphère comme illustré sur la Figure 4.
Ces perturbations influent sur la forme, la qualité (la phase) et l’intensité du faisceau lumineux collecté et dégradent la qualité du lien. D’autre part, pour être détectée efficacement, la lumière est généralement collectée dans une fibre optique télécom standard, dite fibre monomode (SMF).
Ces dernières, largement utilisées dans l’industrie des télécommunications, sont compatibles avec une très large variété de composants : sources, amplificateurs, détecteurs, bénéficiant d’une grande maturité technologique. Malheureusement, lorsque le front d’onde du faisceau est perturbé, celui-ci peut se coupler moins bien dans les fibres monomodes entraînant à nouveau des pertes qui dégradent d’autant la qualité du signal.
Pour aller plus loin
Les communications laser en espace libre s’illustrent comme un formidable outil pour propager une information très haut débit là où la fibre n’est pas aisément déployable. Certains géants du numérique comme Facebook ou Google étudient déjà la possibilité de diffuser largement internet dans les zones non fibrées à l’aide de ces technologies(7). Un contrat entre Alphabet et l’Etat de l’Andhra Pradesh en Inde a par exemple été signé pour tester cette approche sur le terrain.
En revanche, pour exploiter pleinement le potentiel des communications laser FSOC, il est impératif de s’affranchir des effets de la perturbation atmosphérique. Sans cela, la fiabilité et la qualité de la transmission seront fortement dégradées. Différentes approches existent déjà, notamment l’optique adaptative, technique inspirée de l’astronomie, mais ne sont pas toujours adaptées ni suffisantes pour atteindre de très hauts débits en toutes conditions.
De nouvelles approches, passives et compactes, émergent actuellement et pourraient aider à lever certains verrous technologiques. Cailabs, spécialisée dans la mise en forme de faisceaux, travaille justement sur cette thématique et développe un produit dédié aux communications lasers en espace libre.
Bibliographie
(1) | M.-A. Khalighi et M. Uysal, «Survey on Free Space Optical Communication: A Communication Theory Perspective,» IEEE Communications Surveys & Tutorials, vol. 16, n° %14, pp. 2231-2258, 2014. Lire l’article |
(2) | D. Soma et al., «10.16-Peta-B/s Dense SDM/WDM Transmission Over 6-Mode 19-Core Fiber Across the C+L Band,» Journal of Lightwave Technology, vol. 36, n° %16, pp. 1362-1368, 2018. Lire l’article |
(3) | «Researchers Claim Record for Terrestrial Radio Transmission,» Microwave & RF, May 2016. Lire l’article |
(4) | Mynaric, «The Smaller, The Better,» 2018. Lire l’article |
(5) | Airbus, «SpaceDataHighway,» Lire l’article |
(6) | L. Andrew et R. Philips, Laser Beam Propagation Through Random Media, Washington: SPIE Press, 2005. Lire l’article |
(7) | M. Merky, «Alphabet : un accès à Internet grâce à la technologie laser» 23 12 2017. Lire l’article |
Par David Allioux
David Allioux a obtenu son doctorat en physique à l’Université de Lyon. Il a rejoint Cailabs en 2018 en tant que Chef de projet et de produits. Il est responsable du développement et de l’intégration de solutions R&D en télécommunications. Il apporte également son expertise au développement et à la commercialisation de la gamme de produits dédiée aux communications laser.
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