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Dépasser les limites de débit grâce aux communications laser

Date de publication : 29 février 2024
Panoramic High Speed Technology Concept
Introduction

À l’ère moderne, le débit des transmissions est devenu la pierre angulaire de notre monde interconnecté. La demande croissante en débit est omniprésente, et les applications reposant sur les communications satellitaires, qui sont au cœur de cet article, y contribuent grandement. Les communications par radiofréquence (RF), traditionnellement utilisées pour les liaisons entre les satellites et la Terre, atteignent désormais leurs limites en termes de capacité. C’est dans ce contexte que la technologie des communications laser émerge comme une solution capable de relever les défis liés au débit. Cet article marque le début d’une série de trois articles explorant les avantages des communications laser par rapport aux solutions de transmission actuelles. Dans ce premier volet, nous mettrons en lumière l’avantage considérable en termes de débit offert par les communications laser.

Besoin actuel en débit et limites

Les domaines critiques nécessitant un débit élevé :

Aujourd’hui, la demande en débit augmente constamment, stimulée par des applications générant d’énormes quantités de données et nécessitant des transferts en temps réel. Dans le secteur des communications satellitaires, de tels critères sont indispensables à diverses activités critiques comme l’observation de la Terre, les télécommunications satellitaires, le relais de données via les constellations de data relay ainsi que le transfert de données vers le cloud, mais également pour des applications militaires telles que les bulles de communications navales et aéroportées ainsi que scientifiques avec l’exploration spatiale (Deep Space).

Pourquoi la demande en débit augmente dans ces secteurs :

L’essor de l’observation de la Terre, propulsé par la montée en puissance des satellites et des caméras hyperspectrales, génère une abondance d’images nécessitant des transferts rapides vers la Terre. Comme le souligne la NASA : “As science instruments evolve to capture high-definition data like 4K video, missions will need expedited ways to transmit information to Earth”.

Du côté de la défense, l’essor du combat collaboratif avec fusion de données nécessite une large bande passante pour interconnecter les acteurs afin qu’ils tirent parti des données acquises sur le terrain.

Simultanément, le transfert massif de données vers le cloud s’est imposé comme la norme pour de nombreuses entreprises, exigeant des connexions ultrarapides pour stocker, gérer et analyser d’énormes volumes d’informations.

Dans le secteur des télécommunications, les feeder links spatiaux jouent un rôle essentiel en acheminant une grande quantité de données vers l’espace, en vue d’une distribution simultanée du signal vers de multiples utilisateurs. Cette approche est déployée par des opérateurs de télévision et des fournisseurs de services Internet par satellite. Elle nécessite de déployer des liens montants ultra haute capacité.

La multiplication des satellites data relay permet le transfert massif de données en temps réel entre divers points du globe. Cette connectivité est amplifiée par les liaisons inter-satellitaires optiques qui propulsent des débits encore plus élevés à travers les constellations. Le relais de données nécessite des liens bidirectionnels ultra haute capacité pour transférer de telles capacités de données.

Cette diversité d’applications nécessitant du haut débit souligne la nécessité de trouver des solutions pour répondre au besoin croissant en matière de transmission de données.

Pourquoi aujourd’hui les satcoms ne sont plus capables de répondre à la demande :

Traditionnellement, les satellites ont recours aux radiofréquences (RF) pour leurs liaisons avec la Terre. Toutefois, les RF présentent des limites structurelles en termes de bande passante plafonnant généralement à 512Mbps voire 1 Gbps au maximum.

Confrontés à cette limitation, les acteurs du secteur spatial cherchent activement des solutions de connectivité capables de répondre à leurs besoins en très haut débit. C’est dans ce contexte que les communications laser émergent comme une réponse aux exigences grandissantes de la société moderne en matière de bande passante.

Comment l’optique répond aux défis actuels

Les avantages des communications laser :

Les communications laser reposent sur la propagation de la lumière dans l’espace libre, offrant des avantages clés tels que la faible latence, la furtivité (Low probability of Detection), la faible probabilité de brouillage et d’interception (Low probability of Interception), mais surtout une capacité à fournir un très haut débit, dépassant les 10 Gbps.

Les communications laser tirent profit de décennies de développement dans le domaine des télécommunications terrestres fibrées. Ces développements ont engendré des économies d’échelle sur les composants optiques tout en ouvrant la voie à l’exploitation de technologies optiques avancées, notamment les amplificateurs optiques dopés à l’Erbium (EDFA). Ces amplificateurs permettent des transmissions sur de très longues distances sans conversion, tandis que les formats de modulation cohérents maximisent la distance et la capacité de transmission, facilitant ainsi le très haut débit. En outre, les communications laser sont également compatibles avec l’infrastructure de fibre terrestre, profitant ainsi de la continuité d’un réseau de communication déjà bien établi et rentable.

Les communications optiques permettent d’atteindre des débits supérieurs à 10Gbps dépassant ainsi les contraintes de débits des méthodes de transmission sans fil actuelles. Par comparaison, les communications RF plafonnent généralement à environ 1 Gbps. Pour donner un exemple concret, le téléchargement de 1 To de données d’observation terrestre via RF à un débit (estimation élevée typique) de 512Mbps prendrait plus de 4 heures. Tandis qu’avec les communications laser ces mêmes 1To de données pourraient être téléchargés en moins de 14 minutes avec un débit de 10Gbps et le temps d’acheminement des données au sol diminue drastiquement si l’on est à 100Gbps avec moins de 2min.

En outre, les communications optiques sont intrinsèquement exemptes des limitations de spectre, évitant ainsi les interférences avec d’autres signaux et les contraintes de licences d’exploitation.

Les démonstrations et initiatives de communications laser

Des exemples concrets de débits élevés réalisés avec les communications laser :

En 2023 les démonstrations de liens espace-sol se sont multipliées. En avril, la NASA établit un lien laser depuis sa charge utile optique TeraByte InfraRed Delivery (TBIRD) vers la Terre, atteignant un débit de 200 gigabits par seconde. Ce lien optique a permis de transférer 3,6 téraoctets de données vers la Terre en seulement 6 minutes. En comparaison, le télescope James Webb, à la pointe de la technologie moderne, transmet environ 57,2 giga-octets de données scientifiques par jour à un débit maximal de 28 mégabits par seconde en utilisant les radiofréquences.

En Europe, le satellite PIXL-1 a réalisé une démonstration de liaison laser descendante de 100Mbps entre le terminal optique OSIRIS4CubeSat, codéveloppé par le German Aerospace Center (DLR) et TESAT-Spacecom, et la station sol optique Oberpfaffenhofen installée sur le toit du DLR.

En octobre, la société chinoise Changguang Satellite Technology (CGST) a effectué une démonstration de liaison laser bidirectionnelle à un débit de 10 Gbps entre le satellite Jilin-1 et son Optical Ground Station (OGS).

Parallèlement, depuis 2016, le projet optique d’envergure European Data Relay Satellite System (EDRS) fait ses preuves. Mis en œuvre par l’ESA et la Commission européenne, avec la composante SpaceDataHighway opérée par Airbus, l’EDRS assure la transmission de données entre les satellites LEO et la Terre via des nœuds GEO. La connexion inter satellitaire optique fonctionne à 1,8 Gbps, complétée par des liens RF en bande KA à 300 Mbps. En 2019, SpaceDataHighway a enregistré plus de 25 000 connexions laser réussies au cours de ses trois premières années d’exploitation courante, avec un taux de fiabilité de 99,4%, permettant la transmission de 1 500 téraoctets de données.

En mai 2023, Airbus a conduit avec succès une campagne de tests de transmission optique de données espace-sol entre les nœuds GEO EDRS-C et la station sol optique T-AOGS (Transportable Adaptive Optical Ground Station), détenue par le DLR et TESAT. Cette campagne a établi 66 liens, cumulant 316 minutes de communication et la transmission de 3,6 To de données.

Flight Model Of The Osiris4cubesat Laser Terminal Dlr
Modèle de vol du terminal laser d’OSIRIS4CubeSat, DLR (CC BY-NC-ND 3.0)

Ces démonstrations confirment la faisabilité technique des liaisons laser espace-sol ainsi que la disponibilité de la technologie nécessaire pour les réaliser. En effet, aujourd’hui, ces démonstrations ne se limitent plus à de simples expérimentations, mais proviennent désormais d’initiatives, entièrement ou partiellement industrielles, utilisant des terminaux optiques prêts à être commercialisés.

En effet, du côté des terminaux optiques embarqués dans les satellites, plusieurs industriels ont investi le créneau. Tirés par la demande de terminaux optiques de la Space Development Agency (SDA) pour sa constellation de satellites de télécommunications militaires Transport Layer des industriels tels que CACI International, Skyloom, Tesat et Mynaric commercialisent des terminaux optiques compatibles aux standards de la SDA.

Les initiatives de communications laser espace-sol :

Plusieurs initiatives de communications optiques spatiales sont en cours actuellement et visent à exploiter l’optique pour créer de nouvelles infrastructures spatiales de transfert massif de données partout dans le monde.

Dans le cadre du projet HydRON (High Throughput Optical Network) soutenu par l’Agence spatiale européenne (ESA), les travaux réalisés ambitionnent d’explorer les communications optiques entre satellites et stations terrestres à des débits de l’ordre du Tbps, tout en garantissant une interopérabilité avec les réseaux terrestres. Ces travaux ouvriraient la voie à une connectivité presque illimitée pour des applications avancées, notamment la 5G/6G et l’internet spatial.

De plus, le consortium CO-OP, dirigé par Airbus Defence and Space, Thales Alenia Space et Safran, et supervisé par le CNES vise à développer la filière optique satellitaire en France. Il se concentre sur l’utilisation de liaisons optiques sol-GEO pour améliorer les capacités de communication entre les satellites et les utilisateurs au sol. Cailabs contribue au projet en développant une source à très haute puissance, dépassant les 50 W, pour un feeder link GEO visant à assurer une connexion très haut débit capable d’atteindre le téraoctet par seconde.

Turbulences atmosphériques :

Malgré des démonstrations de faisabilité réalisées dès les années 90, les communications laser espace-sol n’avaient pas décollé en raison d’un défi historique : les turbulences atmosphériques. Ces perturbations, résultant de l’hétérogénéité et des mouvements permanents de l’air, impactent la phase et l’intensité du faisceau lumineux, dégradant la qualité du lien lors de la traversée de l’atmosphère terrestre.

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Vue sur la Lune à travers la turbulence atmosphérique

Les communications optiques sont compétitives par rapport à la RF au-delà de 10Gpbs. Pour établir une liaison optique à haut débit, il est indispensable d’utiliser des équipements télécoms standards, disponibles principalement sur fibres optiques monomodes. C’est là que la gestion de la turbulence devient nécessaire, notamment pour permettre le couplage sur fibre monomode. D’une part, cela permet de bénéficier de l’amplification EDFA et de la modulation cohérente. D’autre part, la gestion de la turbulence est nécessaire pour la focalisation du signal sur un détecteur à haut SNR (Rapport signal sur bruit). En effet, plus le débit est élevé plus le détecteur doit être petit ce qui le rend également sensible à la turbulence.

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Aujourd’hui des solutions innovantes permettent de gérer efficacement ces turbulences. Parmi celles-ci, l’Optique Adaptative, issue de l’astronomie, offre une compensation active des turbulences à l’aide de grands miroirs déformables. Cependant, cette méthode peut s’avérer limitée pour atteindre la vitesse de correction requise dans les communications optiques à haut débit. De plus, elle présente des complexités d’utilisation et requiert des équipements encombrants et coûteux.

Cailabs a développé des technologies concurrentes, compactes et robustes, adoptant une approche passive. La technologie TILBA®-ATMO, d’une part, consiste à collecter l’intégralité de la lumière et à la convertir passivement en modes utilisables, évitant ainsi la correction active de la distorsion du front d’onde. D’autre part, la technologie TILBA®-IBC permet de corriger la turbulence à l’émission grâce à la combinaison incohérente.

Ainsi Cailabs se positionne sur le segment sol des communications laser en espace libre en développant et fournissant des stations sol optiques TILBA®-OGS capables de gérer la turbulence atmosphérique tant à l’émission qu’à la réception permettant ainsi de débloquer le très haut débit (>10Gbps).

Station Sol Optique Dedie Sur Le Site De Cailabs
Station sol optique dédié sur le site de Cailabs

Nos TILBA®-OGS sont également évolutives vers les besoins futurs de feeder links Tbps grâce à la combinaison cohérente TILBA®-CBC afin de répondre aux besoins des constellations télécom et de data relay notamment en orbite géostationnaire. La brique technologique TILBA®-CBC étend la portée et le débit des feeder links optiques sol-espace là où les sources télécoms sont actuellement limitées.

Conclusion

Les communications optiques en espace libre débloquent le très haut débit, jouant un rôle essentiel dans les futurs réseaux de communication. En complément des communications RF, elles surmontent les limitations de débit, permettant des transmissions à des vitesses exceptionnelles et éliminant les goulots d’étranglement associés aux communications RF. Cette avancée crée de nouvelles opportunités pour des applications nécessitant un transfert de données élevé. La collaboration étroite entre entreprises, agences gouvernementales et chercheurs stimule le développement des technologies de communications laser, entraînant des progrès significatifs dans les domaines terrestres et embarqués, favorisant ainsi l’émergence d’un marché dynamique.

Références :

https://www.nasa.gov/centers-and-facilities/ames/nasa-partners-achieve-fastest-space-to-ground-laser-comms-link/

https://www.dlr.de/en/latest/news/2023/04/demonstration-of-data-transmission-from-a-microsatellite-by-laser

https://spacenews.com/chinese-commercial-satellite-firm-completes-high-speed-laser-image-transmission-test/



Tatiana Zaimskikh Carre

By Tatiana Zaimskikh

Diplômée en économie, géopolitique, et titulaire d’un master en commerce international, Tatiana porte un intérêt particulier à l’industrie des télécommunications spatiales. En tant qu’assistante chef de produit chez Cailabs, elle contribue au développement et à la commercialisation de la gamme TILBA, dédié aux communications laser spatiales, terrestres et aéronavales.

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