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« New Space » : le nouveau visage du secteur spatial

Date de publication : 28 avril 2022

30 mai 2020, 19 h 22 UTC : la fusée Falcon 9 emportant la capsule Crew Dragon Demo-2 est lancée. SpaceX s’apprête alors à devenir la première société privée à envoyer des humains en orbite. Cet événement illustre l’évolution spectaculaire du marché spatial depuis le début du 21e siècle, qui s’est considérablement accélérée au cours des dernières années.

Si les agences d’État ont toujours occupé une place de premier plan dans le secteur, les sociétés privées se lancent aujourd’hui à la conquête de l’industrie spatiale. Elles s’imposent désormais comme des acteurs clés du secteur et collaborent avec les agences gouvernementales établies à chaque étape de la chaîne de valeur : lanceurs, satellites, infrastructures et services. Ce changement de paradigme fait naître de nouvelles opportunités de création de valeur pour les sociétés du secteur privé. Celles-ci ont désormais un rôle moteur à jouer dans les différents projets et missions, avec un objectif essentiel : le profit. Ce nouveau contexte a entraîné un profond bouleversement des technologies utilisées : les micro-lanceurs, lanceurs réutilisables et autres CubeSats facilitent à présent l’accès à l’espace, qui n’a jamais été aussi abordable. 

Note : cet article de blog est le premier d’une série consacrée aux communications optiques espace – terre. 

De nouveaux lanceurs, à la conquête du nouvel espace 

Pour le grand public, les lanceurs sont naturellement le symbole emblématique du secteur spatial. Ils incarnent la puissance d’un pays et sa capacité à atteindre l’espace : Saturn V, la navette spatiale américaine, ou encore Soyouz sont à jamais ancrés dans notre culture commune. La relève s’illustre aujourd’hui avec des entreprises telles que SpaceX, particulièrement médiatisée pour ses lanceurs réutilisables, actuellement exploités par la NASA pour emmener les astronautes sur l’ISS et placer une diversité de satellites en orbite. D’une certaine manière, SpaceX se positionne comme le fer de lance des nombreuses sociétés privées qui abordent le marché avec, comme point commun, un modèle low cost visant à offrir un accès abordable à l’espace et aux services spatiaux. 

Le concept des lanceurs partiellement ou totalement réutilisables n’est pas nouveau. Déjà, la navette spatiale américaine avait été conçue pour que l’orbiteur puisse être réutilisé à des fins de réduction des coûts. Force est de constater que cet objectif n’a pas été atteint : les coûts n’ont jamais été inférieurs à ceux des systèmes de lancement consommables, sans parler des problèmes de sécurité, qui se sont soldés par des accidents tragiques. SpaceX a réussi là ou la navette spatiale a échoué : une véritable révolution née de la convergence de différents facteurs. Tout d’abord, la stratégie low cost d’un acteur du secteur privé, avec un objectif axé sur le profit, marque une différence fondamentale par rapport aux initiatives d’une agence publique. De plus, à la faveur d’un véritable bond technologique, certaines parties du lanceur peuvent désormais être réutilisées de façon sûre et efficace.

Cost Per Kg Of Payload Delivered To Leo
Le coût par kilogramme de la mise en orbite basse d’une charge utile baisse constamment depuis les années 80 et a considérablement chuté avec la nouvelle génération de lanceurs réutilisables. 
Source : FutureTimeline.net

Au final, le coût par kilogramme de la mise en orbite basse d’une charge utile a considérablement chuté avec l’arrivée de ces nouveaux lanceurs. Selon certaines estimations, il pourrait être divisé par 2 avec le Falcon Heavy par rapport au Soyouz, ou avec le Falcon 9 par rapport à Ariane 5. On voit ainsi s’enclencher un cercle vertueux où se conjuguent baisse des coûts, hausse de la demande et augmentation du nombre de missions. À ce titre, l’année 2020 s’est illustrée par un total de 114 lancements, dont 10 échecs : un chiffre jamais atteint depuis l’effondrement du bloc soviétique et le début de la deuxième ère spatiale. La forte augmentation du nombre de lancements en orbite basse durant la dernière décennie, et particulièrement au cours des cinq dernières années, est également impressionnante : ces lancements ont augmenté de 95 % entre 2016 et 2020, alors que le nombre de mises en orbite haute (géosynchrone et géostationnaire) diminue légèrement.

Evolution Of Launches Target Orbit Type Between 2010 And 2020 1
Le nombre de lancements en orbite basse a monté en flèche au cours de la dernière décennie, en particulier depuis 2016.

L’accès à l’espace étant désormais plus simple et moins coûteux, la demande de services spatiaux augmente : c’est le troisième facteur de cette convergence favorisant l’émergence de nouveaux acteurs issus du secteur privé. Dans ce contexte, on voit également apparaître de nouveaux micro-lanceurs affichant des coûts de développement et d’exploitation inférieurs à ceux des lanceurs lourds, et capables de répondre à une demande désormais tournée vers des satellites plus petits, qui deviennent la norme.

Le nouveau visage du marché des satellites : la révolution des CubeSats

Au même moment, la réduction de la taille et du poids des satellites contribue également à refaçonner le marché. La miniaturisation de l’électronique a ouvert la voie au développement de petits satellites et plus spécifiquement des CubeSats, dont le développement a été stimulé par l’un des objectifs poursuivis par les sociétés privées : réduire le coût des lancements. Ce phénomène s’inscrit dans la même dynamique de transformation que celle des lanceurs : la convergence entre un bond technologique et l’arrivée de nouveaux acteurs issus du secteur privé. Au-delà de la réduction de poids, l’émergence des CubeSats contribue également à standardiser la conception des satellites. Une nouvelle unité a ainsi été créée, correspondant au volume d’un CubeSat (10 cm x 10 cm x 10 cm) pour un poids d’environ 1 kg. Ainsi, un petit satellite peut être constitué de l’assemblage de plusieurs CubeSats, le volume du satellite étant un multiple de cette valeur unitaire : 1U, 2U, 3U… La miniaturisation et la standardisation ouvrent la voie à une production en masse avec des procédés industriels simplifiés, encouragée par l’utilisation de composants disponibles dans le commerce. En bref, les satellites sont désormais moins coûteux et plus simples et rapides à produire, offrant aux petites structures, telles que les universités, un accès à l’espace jusqu’ici inimaginable.  

En moyenne, la construction et le lancement d’un CubeSat coûtent environ 150 000$, mais ce coût peut tomber à 50 000$(1). Quant au déploiement d’un satellite géostationnaire (construction, lancement, assurance et station passerelle), il implique des dépenses en capital de l’ordre de 150 à 500 millions de dollars(2). Bien sûr, ces chiffres ne sont que des estimations. Ils n’incluent pas nécessairement le même service et doivent donc être interprétés avec prudence. Quoi qu’il en soit, les coûts estimés d’un satellite en orbite basse sont au moins 1000 fois inférieurs à ceux d’un satellite géostationnaire. 

Ceci favorise de manière logique l’augmentation du nombre de satellites mis en orbite : pas moins de 1.272 en 2020, soit une augmentation de 120 % par rapport à 2019 ; un record absolu. Dans ce contexte, des constellations de nanosatellites en orbite basse (d’un poids de 1 kg à 50 kg, généralement conforme à la norme CubeSat) ont fait leur apparition. Elles peuvent offrir le même service qu’un satellite géostationnaire classique, avec une résilience et une flexibilité supérieures. Ces constellations permettent aux nouveaux acteurs de couvrir une diversité d’applications et mettent à leur portée de nouvelles formes de création de valeur. À ce rythme, si le modèle des constellations se confirme, ce sont 16.000 satellites en orbite basse qui devraient être lancés d’ici 2025. 

De nouveaux acteurs, de nouvelles applications 

Comme évoqué plus haut, l’accès à l’espace est plus simple et moins coûteux que jamais, offrant aux nouveaux acteurs la possibilité de lancer des initiatives dans une diversité d’applications. On a en effet observé une augmentation sans précédent du nombre de missions commerciales depuis le début des années 2010, dopée par la nécessité de satisfaire la nouvelle demande en applications spatiales. 

Payload Launch Traffic
Le nombre de satellites commerciaux a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie. Source : Rapport annuel sur l’environnement spatial (2021) de l’Agence spatiale européenne (ESA)

Par exemple, l’orbite héliosynchrone (sur laquelle le satellite est synchronisé avec la trajectoire du soleil) est particulièrement appréciée dans le domaine de l’observation terrestre, car l’angle d’illumination du soleil sera le même en tout point sur Terre. Dans ce cas précis, une constellation de petits satellites peut offrir, à l’échelle mondiale, des images actualisées quotidiennement de chaque zone de la planète. Moins coûteux à produire et à lancer, les petits satellites favorisent cette initiative, au-delà du fait que chaque satellite d’une constellation peut être remplacé si nécessaire. 

Les applications de télécommunication tirent également parti de ce changement de paradigme. Aux initiatives les plus connues telles que Starlink (SpaceX, une nouvelle fois), Kuiper (Amazon) et OneWeb viennent s’ajouter celles de nouveaux acteurs comme Inmarsat, qui a annoncé son projet de constellation de satellites Orchestra, et plusieurs initiatives de systèmes de relais de données de plus petite envergure. Jusqu’à présent, l’accès Internet via des satellites géostationnaires ne parvient pas à s’imposer face aux solutions terrestres comme les réseaux fibrés ou 4G-5G, principalement en raison d’un débit insuffisant et d’une latence élevée. Mais les constellations de satellites en orbite basse offrent à présent une opportunité solide de résoudre les problèmes des systèmes géostationnaires, et ce, tout en apportant une nouvelle proposition : un accès simple à Internet dans le monde entier, même dans les zones les plus isolées, sans la nécessité de mettre en œuvre une infrastructure lourde. 

Conclusion

Le « New Space » fait référence à une modification de l’écosystème spatial entraînée par la convergence de différents facteurs interdépendants : bouleversements technologiques dans les domaines des lanceurs et des satellites, arrivée de nouveaux acteurs et nouvelles formes de création de valeur dans l’espace. Tous ces facteurs s’influencent mutuellement. Par exemple, l’arrivée de nouveaux acteurs contribue aux bouleversements technologiques et à la réduction des coûts, et inversement. Ceci se traduit également par une évolution des activités et des parties prenantes, marquée par la présence croissante d’acteurs issus du secteur privé et l’émergence de nouveaux pays. Plus qu’un véritable remplacement des acteurs du secteur public par de jeunes sociétés, le paysage spatial semble prendre la voie de la collaboration entre agences gouvernementales historiques, grandes structures aérospatiales privées et jeunes sociétés, pour façonner la nouvelle ère spatiale. 

Tous ces satellites doivent communiquer entre eux et avec la Terre. Les données sont essentielles et l’outil de transmission revêt donc une importance stratégique. Différents moyens de répondre à ces enjeux coexistent, le plus conventionnel étant l’utilisation de la radiofréquence, technologie exploitée depuis le début de l’exploration spatiale. Cependant, la transmission optique par laser se développe également depuis plusieurs années. Ces sujets seront abordés dans le prochain article de cette série d’article de blog sur les communications laser espace – terre.


Julien Pastille

Par Julien Bayol

Julien Bayol est ingénieur en mécanique INSA, et a suivi un Master en Management à la Toulouse Business School. Son domaine d’intérêt est porté sur les techniques de fabrication de pointe, via l’utilisation de solutions optiques innovantes. A Cailabs, Julien est assistant chef de produit, il contribue au développement et à la commercialisation des gammes produits CANUNDA et TILBA®.

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