En quoi la dispersion modale limite-t-elle les débits transmis sur fibre ?
La fibre optique est un moyen de transport d’information très employé de par son faible encombrement, ses faibles pertes linéiques, son insensibilité aux perturbations électromagnétiques, etc. Cependant, la fibre présente des limitations de performances intrinsèques, inhérentes à ses propriétés physiques.
En particulier, pour les fibres optiques multimodes installées dès les années 1980-90, comme les fibres OM1 (62,5/125 µm) et OM2 (50/125 µm), la transmission à haut débit se trouve limitée à cause de la dispersion modale.
Entrons dans des explications un peu plus détaillées. Prenez 2 minutes pour découvrir en vidéo ce phénomène de dispersion modale :
Une fibre multimode standard avec un profil à gradient d’indice, type OM1-2-3-4-5, présente des modes polarisés linéairement nommés LP avec des constantes de propagation dégénérées LPi,j. Les modes dégénérés se couplent de manière très forte au sein de leur groupe de modes. A l’inverse, des modes issus de groupes de modes différents sont plus isolés et peuvent donc être considérés comme des canaux de transmission indépendants au sein de la même fibre optique.
Typiquement une fibre multimode classique peut supporter des dizaines de modes, divisés en quelques groupes de modes. Ci-dessous quelques exemples de profils d’intensité de modes d’une fibre optique multimode.
La dispersion modale est un mécanisme de distorsion se produisant dans les fibres multimodes. Du fait de la différence de vitesse de modes, le signal est étalé voire déformé dans le temps au cours de la propagation dans la fibre.
Revenons aux propriétés physiques des fibres multimodes pour analyser ce phénomène plus en détails. Lorsque la lumière issue du transceiver entre dans la fibre multimode, elle se « sépare » en différents rayons appelés « modes ».
Les rayons lumineux issus de la source entrent dans le cœur de la fibre avec des angles différents par rapport à l’axe de la fibre optique. Les rayons qui entrent avec un angle plus faible vont voyager dans la fibre via un chemin plus direct par rapport aux rayons qui entrent avec un angle plus fort, qui eux vont se réfléchir de nombreuses fois de plus lors de la propagation.
Chaque mode va donc voyager le long d’un chemin optique différent au sein de la fibre optique. Il en résulte donc des temps d’arrivée en bout de fibre différents selon les modes. On parle alors de DMD, pour Differential Mode Delay.
L’arrivée non simultanée des différentes composantes du signal va déformer la forme du signal initialement envoyé : à cause de la DMD, une impulsion à l’émission peut s’étaler durant la propagation dans la fibre multimode, voire même dans les cas extrêmes se séparer en deux impulsions indépendantes.
Cela entraîne des interférences inter-symboles et l’impossibilité de récupérer les données transmises de manière fiable. Cette dégradation est d’autant plus importante que le débit transporté est grand, c’est-à-dire que les impulsions lumineuses sont courtes et rapprochées (typiquement 100 ps entre chaque impulsion à 10 Gb/s).
Pour résumer, la DMD dégrade la largeur de la bande passante modale de la fibre optique, ce qui provoque une diminution de la distance atteignable, à un débit donné, supportée de manière fiable entre émetteur et récepteur.
Le profil d’indice de réfraction de la fibre influence profondément les vitesses des différents modes de propagation qui entraînent de la dispersion modale. C’est pourquoi il existe différentes générations de fibres multimodes à gradient d’indice (OMx, x=1, 2, 3, 4 ou 5), diminuant ainsi les différences de temps de groupes entre modes selon le type de fibre.
Remarque : Il est intéressant de noter qu’en parvenant à conférer à la fibre des dimensions transverses suffisamment petites pour que celle-ci ne permette la propagation que d’un seul mode, des conditions optimales de dispersion sont alors obtenues pour minimiser l’étalement dans le temps du signal lumineux au cours de la propagation. On parle alors de fibre monomode.
Ces différentes générations de fibres multimodes présentent donc des bandes passantes différentes. En fonction de la génération de fibre, les distances atteignables pour un débit donné ont été résumées dans l’article Votre infrastructure de câblage limite-t-elle votre productivité ?
Il existe toutefois aujourd’hui une solution innovante qui permet de conserver son infrastructure de câblage multimode existante et de répondre à la demande croissante de bande passante sur son réseau. Cette solution passive permet d’augmenter la bande passante des fibres optiques multimodes en levant le verrou lié à la dispersion modale.
Vous voulez en savoir plus sur la gamme de produit AROONA et la technologie permettant de transformer vos fibres multimodes en fibres monomodes, alors téléchargez notre livre blanc sur ce sujet pour en découvrir davantage.
Venez vite découvrir la gamme AROONA et ses nombreux cas d’études.
Par Kévin Lenglé
Ingénieur de l’École Nationale Supérieure des Sciences Appliquées et de Technologie et docteur en physique, Kévin Lenglé a travaillé comme chercheur au CNRS et chez un équipementier télécoms. Responsable d’une ligne de produit au sein de la société rennaise Cailabs depuis 2015, il apporte son expertise en optique et en télécommunications au développement et à la commercialisation des solutions optiques innovantes permettant d’exploiter pleinement les potentiels des fibres optiques multimodes.
Nos autres articles :
-
Dépasser les limites de débit grâce aux communications laser
-
Les défis de l’emobilité : le soudage des busbars
-
Voler plus loin avec la mise en forme de la lumière
-
De la volkswagen golf à la tesla model 3 : comment les lasers façonnent l’industrie automobile ?
-
Le développement des communications optiques : pourquoi les liens espace terre tardent à se développer ?